Actualités juridiques et jurisprudence

Focus jurisprudentiel : les décisions qui redéfinissent le harcèlement

Les tribunaux tracent une ligne de plus en plus nette : un simple manquement de l’employeur peut suffire à engager sa responsabilité. Qu’il s’agisse d’exploiter des témoignages anonymes, de conduire une enquête interne ou de gérer les comportements de tiers, la jurisprudence récente rappelle une chose : tolérance zéro pour la négligence, priorité à la protection des salarié·es.

 

Témoignages anonymes : un levier juridique sous conditions

La parole des victimes est de plus en plus protégée, mais la justice veille à ce que ce soit dans un cadre strict et équitable.

Le contexte : Une entreprise a justifié un licenciement en se basant sur des témoignages anonymisés pour protéger les auteurs.

Le jugement : La Cour de cassation a admis la recevabilité de ces témoignages. Cependant, elle a clairement posé des conditions. L’anonymat est recevable uniquement s’il est indispensable pour protéger le témoin et que les faits sont corroborés par d’autres éléments de preuve, ne basant pas la décision uniquement sur ces témoignages.

Ce qu’il faut en retenir : C’est une avancée significative pour la libération de la parole, en particulier dans les secteurs où les représailles sont une crainte. Cela permet de protéger les témoins tout en exigeant de l’employeur une enquête rigoureuse, ne se limitant pas à de simples déclarations anonymes.

 

L’enquête interne, une preuve à sécuriser

La mise en place d’une enquête interne est un pas essentiel pour l’employeur, mais une décision récente rappelle qu’une procédure bâclée peut se retourner contre l’entreprise.

Le contexte : Dans une affaire de harcèlement, l’employeur a tenté de justifier un licenciement sur la base d’une enquête interne. Cependant, l’enquête n’avait pas été menée avec la rigueur nécessaire (documents caviardés, témoins refusant de se manifester).

Le jugement : L’enquête interne a été jugée insuffisante pour constituer une preuve recevable, et la décision de l’employeur a été invalidée. Les juges ont insisté sur le respect des droits de la défense et la nécessité d’une procédure transparente et fiable.

Ce qu’il faut en retenir : Une enquête interne n’a de valeur juridique que si elle est menée avec rigueur et impartialité. L’entreprise doit respecter des standards précis pour sécuriser ses décisions disciplinaires et se prémunir contre des recours. Le respect de la procédure est un gage de sécurité pour l’employeur.

 

Harcèlement par des tiers : l’autorité de fait

Une décision de la Cour d’appel de Paris confirme que la responsabilité des entreprises s’étend aussi aux agissements de ses prestataires et partenaires externes.

Le contexte : Une salariée subissait dénigrement, pression et humiliations de la part du vice-président d’un « partenaire majeur du développement de la société ». Cette situation, connue de l’employeur, a été laissée perdurer sans intervention.

Le jugement : La Cour d’appel de Paris a estimé que les personnes extérieures à l’entreprise, mais pouvant exercer une autorité de fait ou de droit sur le salarié, peuvent se rendre coupables de harcèlement.

Ce qu’il faut en retenir : Cette décision est un signal fort pour le secteur audiovisuel, où les équipes sont composées de nombreux intervenants externes. Les entreprises ont désormais une obligation de vigilance étendue et doivent mettre en place des mesures de prévention pour protéger leurs équipes, même des agissements de tiers.

De la jurisprudence à la prévention : la checklist actionnable

Chaque décision de justice nous offre une leçon concrète : la prévention est stratégique, pas optionnelle. La bonne nouvelle, c’est qu’elle est actionnable dès maintenant. Voici un guide pratique pour transformer le droit en action concrète.

 

Revoir les procédures internes : Assurez-vous que vos procédures de signalement et d’enquête sont claires et conformes aux standards juridiques. Une enquête doit être transparente et sécurisée pour être recevable.

Intégrer les tiers : Mettez à jour vos chartes éthiques et vos codes de conduite pour y inclure les prestataires, les intervenants et les partenaires. Sensibilisez-les et rendez-les co-responsables du climat de travail.

Former et sensibiliser : Le meilleur moyen de prévenir est de former. Formez vos managers et vos équipes à détecter et à gérer les comportements problématiques, même ceux qui semblent anodins ou qui sont en dehors de la subordination directe.

Communiquer proactivement : Ne vous contentez pas d’une charte : organisez des ateliers et des sessions d’information pour rappeler les règles et encourager la libération de la parole.

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