Étude inédite sur les VHSS dans le cinéma et l’audiovisuel
L’AFAR a mené ces derniers mois une étude inédite sur l’étendue des VHSS dans le cinéma et l’audiovisuel, ce 27 février 2025. Le président de l’association Jérémie Steib nous explique les dessous et enjeux de cette étude, interview réalisé par Estelle AUBIN pour Écran Total.
L’Atelier Marcelle tient à remercier le travail édifiant de l’AFAR sans qui nous n’aurions pas la possibilité d’avoir ces chiffres précieux montrant l’ampleur du travail à accomplir.
Comment vous est venue l’idée de réaliser cette étude inédite ?
« Tout est parti de l’audition de l’Afar (Association Française des Assistants Réalisateurs de fiction) par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité le 18 novembre 2024, où, pour éclairer notre propos, nous avons partagé les résultats de notre questionnaire sur les VHSS que nous avions préalablement diffusé auprès des 150 membres de notre association. La commission s’est montrée très intéressée par notre questionnaire, élaboré par notre vice-présidente Thomine de Pins, nous confiant qu’il y avait un manque cruel de chiffres sur ces questions. À notre connaissance, aucune étude, aussi globale, allant des plateaux aux bureaux, non restreinte à une unique profession, n’existait jusqu’alors. Nous nous sommes donc dits que nous pouvions élargir le questionnaire et le diffuser à d’autres associations professionnelles de techniciens et techniciennes membres, comme nous, de la CST. Parmi elles, 17 ont répondu présentes (ACFDA, ADC, ADIT, ADP, Afap, AFR, AMC…) ainsi que 4 collectifs (Falc, CCC…). Nous avons alors reçu beaucoup de réponses qui nous ont fait prendre conscience de l’importance de cette étude et de la nécessité de la rendre publique. Nous avons donc analysé les données à partir de la mi-décembre, puis rédigé notre synthèse et nos préconisations. Ces dernières ont été formulées en s’appuyant sur les réponses reçues et sur des mesures déjà évoquées par d’autres professionnels du secteur. »
Avez-vous été étonné par certains résultats ?
« Oui, bien sûr, même si nous nous attendions à trouver des chiffres élevés, mais pas à ce point. Par exemple, le fait qu’une femme sur deux ait subi du harcèlement sexuel au cours de sa carrière ou que 23 femmes et deux hommes aient été victimes de viols ou tentatives de viol dans le cadre professionnel… C’est énorme et très grave. Nous avons également remarqué que plus la gravité des violences augmentait, plus les victimes étaient exclusivement des femmes, et que plus la gravité des violences augmentait, plus leurs auteurs étaient exclusivement des hommes. Mais il faut bien préciser que notre étude comporte des biais : les personnes interrogées ne sont pas représentatives de l’ensemble du secteur, celles-ci étant membres d’associations professionnelles, donc très majoritairement expérimentées et bien implantées et disposant, en théorie, d’une sensibilisation aux VHSS et au droit du travail plus élevée que la moyenne. »
Avez-vous eu des regrets sur l’élaboration de ce rapport ?
« À l’Afar, nous sommes assistants réalisateurs, donc pas spécialistes des sondages. Nous nous sommes notamment dits, au terme de l’enquête, que nous aurions aimé poser une ou plusieurs questions différemment ou supplémentaires. Nous avons par exemple demandé aux répondants s’ils avaient parlé des violences éventuellement subies à quelqu’un à la fin du questionnaire. Mais nous aurions aimé poser cette question non pas uniquement à la fin du questionnaire, mais pour chaque violence subie, pour voir s’il y a une évolution de la parole selon le type de violence. »
Qu’espérez-vous désormais avec cette étude ?
« Nous avons rédigé cette étude pour avoir des chiffres et mesurer l’ampleur des VHSS auprès des techniciens et techniciennes. Nous voulions faire un état des lieux de la situation, pointer certaines pratiques et apporter des préconisations. Nous l’avons transmise dans un premier temps à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale comme nous nous y étions engagés ; celle-ci nous a remerciés pour le travail effectué. Nous espérons surtout que cette étude donnera lieu à des mesures concrètes, notamment la poursuite et l’extension des formations contre les VHSS dans le cinéma et l’audiovisuel. Et nous souhaitons poursuivre ce travail par le biais d’une nouvelle étude dans deux ou trois ans en renvoyant ce même questionnaire pour comparer les ressentis, voir quels chiffres ont baissé, et quelles mesures de prévention ont été efficaces et lesquelles devraient être renforcées. »