Le secteur culturel face à ses responsabilités

Le cinéma et l’audiovisuel ne sont plus en marge du regard institutionnel. En 2025, ils sont même devenus un terrain d’expérimentation.

 

Le rapport de la commission d’enquête parlementaire publié au printemps a acté, sans détour, le caractère systémique des VMSS dans les industries culturelles. Ce diagnostic officiel met fin à un déni ancien, souvent entretenu par l’exception culturelle ou la singularité des processus de création.

 

Le rapport identifie clairement les facteurs aggravants : précarité des statuts, rareté des emplois, concentration du pouvoir décisionnel, porosité entre sphère professionnelle et personnelle. Autant d’éléments qui fragilisent les personnes et rendent les signalements difficiles. Les recommandations visent dès lors à transformer ces constats en leviers opérationnels. Clauses de prévention dans les contrats, encadrement des scènes d’intimité, clarification des responsabilités sur les tournages : le rapport trace une feuille de route qui engage directement les producteurs.

 

La question des coordinateur·rices d’intimité cristallise ainsi ces enjeux. Leur présence, pensée comme un outil de régulation, ne saurait toutefois se substituer à l’obligation de sécurité des producteurs. Elle suppose une articulation claire des rôles, des moyens et des limites, sous peine de créer de nouvelles zones d’ambiguïté.

 

Le rapport insiste enfin sur un levier central : la formation, envisagée comme un socle commun, de l’entrée dans les écoles jusqu’aux responsabilités de direction. Cette logique se traduit déjà concrètement depuis janvier 2025 par la conditionnalité des aides CNC à la formation à la prévention des VMSS pour l’ensemble des équipes de tournage. L’obligation de former les dirigeant·e·s, le rappel de la désignation d’un·e référent·e VMSS et l’extension annoncée de ces exigences au secteur audiovisuel en 2026 viennent ainsi confirmer cette dynamique.

Des chiffres et des décisions qui imposent l’action

L’année 2025 nous a aussi montré que l’égalité reste fragile dans le secteur culturel, et que les écarts structurels ont un impact direct sur la vulnérabilité face aux VMSS.

 

Les données de l’Observatoire de l’Égalité du CNC, paru en novembre 2025, dressent un contraste saisissant : si les moins de 30 ans approchent la parité parfaite dans les métiers du cinéma et de l’audiovisuel (49,4 % de femmes), l’écart se creuse après 50 ans, avec seulement 38,4 % de femmes. En mars, l’Observatoire 2025 de l’égalité dans la culture et la communication observait, quant à lui, un écart salarial moyen de 16 % entre hommes et femmes à poste équivalent, et une sous-représentation persistante des femmes parmi les intermittent·e·s (43,1 %) ou aux postes de direction des grandes entreprises culturelles (12 %). Ces chiffres révèlent un problème persistant : la précarité et la difficulté à accéder aux responsabilités ou à l’évolution de carrière créent un terrain propice à l’emprise et aux violences.

 

Cette réalité structurelle a pris corps dans les affaires judiciaires qui ont marqué l’année. La condamnation de Gérard Depardieu en mai 2025, a rappelé que la notoriété ne confère aucune immunité et que la constance des plaignantes doit être prise au sérieux. Le jugement a également souligné la reconnaissance de la victimisation secondaire, un élément clé pour mieux intégrer la réalité des victimes dans la prévention des risques sur le terrain.

 

La médiatisation de ces affaires maintient ainsi une pression constante sur les productions et les festivals, imposant l’application immédiate du principe de précaution et des mesures d’éloignement. En 2025, la 78e édition du Festival de Cannes a d’ailleurs marqué son engagement en introduisant une nouvelle clause réglementaire, exigeant des productions sélectionnées qu’elles garantissent la sécurité et la dignité de tous les collaborateurs.

 

Pour 2026, l’objectif est clair : il ne suffit plus de réagir aux incidents, il faut anticiper, structurer et professionnaliser la prévention. Il s’agit dorénavant d’investir dans des pratiques concrètes et durables, de former les équipes et de renforcer les dispositifs internes afin que l’action soit à la hauteur des exigences légales et sociétales.